ATTRACTIVITE DES QUARTIERS EN POLITIQUE DE LA VILLE : DES RESULTATS DECEVANTS

ATTRACTIVITE DES QUARTIERS EN POLITIQUE DE LA VILLE

16 Avr, 2021

 

La cour des comptes, pointe, dans son rapport d’évaluation de l’attractivité des quartiers en politique de la ville, publié le 2 décembre 2020, de nombreux obstacles à une évolution positive.

Même si Craponne n’entre pas dans le champ de la politique de la ville, notre commune fait partie de la Métropole dont 12 % de la population réside dans un des quartiers dits « sensibles ». En tant que résidents sur la Métropole de Lyon, nous sommes tous concernés.

A. 2008-2018 : EVOLUTION DE L’ATTRACTIVITE DES QPV : UN ECHEC ?

 « Depuis 40 ans, la politique de la ville a pour objectif de réduire les écarts entre les quartiers dits             « prioritaires » et les autres quartiers des villes, en améliorant les conditions de vie de leurs habitants. L’État y consacre environ 10 Milliards d’€ chaque année, auxquels s’ajoutent les financements de la rénovation urbaine et les dépenses, difficilement mesurables et inégales, des collectivités territoriales».

Les conclusions de  la Cour des Comptes démontre l’échec de cette politique sur les 10 années entrant dans le cadre de ses investigations.

Lors du Comité interministériel à la Ville qui s’est tenu en mars 2021, Jean Castex déclare : « Malgré quarante années de politique de la ville, les difficultés continuent de se concentrer dans certains quartiers et la promesse républicaine s’y trouve écornée ».

Ce n’est pas en stigmatisant ainsi les quartiers « sensibles » que les difficultés se résoudront. La politique de la ville est l’une des politiques nationales les plus complexes tant son champ d’intervention et ses objectifs sont vastes et ambitieux dont la lutte contre les inégalités et les discriminations de toutes sortes (accès aux droits, à la santé, à l’éducation, à l’égalité femmes-hommes, à la culture)  le développement économique, l’amélioration de l’habitat, la garantie de sécurité et la prévention de la délinquance…

Si l’ensemble de ces thématiques est certes louable, ne ressemble-t-il pas à un inventaire à la Prévert ?

Il serait plus pertinent que nos dirigeants se concentrent d’avantage sur la question de la cause que sur les conséquences. Pourquoi un tel investissement financier pour des résultats qui ne sont pas à la hauteur des objectifs fixés, comme le souligne le rapport de la cour des comptes ?

B. DES CHIFFRES REVELATEURS D’UN PROFOND MALAISE

En France, 1 514 quartiers (QPV), situés dans 859 communes, sont en quartiers prioritaires. Ils regroupent 5,4 millions d’habitants soit 8% de la population française.

La Métropole de Lyon compte 37 quartiers en politique de la ville qui rassemblent 12 % de la population métropolitaine soit 157 934 personnes.

Ces quartiers se caractérisent par un taux de pauvreté très élevé, 42% en moyenne et jusqu’à 70 % sur certains QPV, un taux de chômage de 22,5%, des chiffres qui vont exploser avec la crise économique et sociale engendrée par la pandémie mais dont le bilan n’est pas pris en compte dans cette analyse.

La population des QPV se compose de 39,1% de jeunes de moins de 25 ans, soit 10 points de plus que sur le territoire français et rassemble une diversité ethnique importante. Parallèlement, près de 30 % des 16-25 ans ne sont ni en poursuite d’études, ni en situation d’emploi, soit un taux supérieur de 14 points par rapport à cette classe d’âge. A ajouter que près d’un tiers des familles sont monoparentales.

C. LES QPV : L’INFERNALE SPIRALE

Le rapport de la cour des comptes met en évidence qu’il ne suffit pas d’injecter un « pognon de dingue », selon l’expression présidentielle, pour résoudre des problèmes fossilisés depuis longtemps. Certes, le renouvellement urbain et l’augmentation de l’offre en transport en commun, en particulier sur la Métropole, ont permis d’améliorer le cadre et les conditions de vie des habitants. Toutefois, sans mesures d’accompagnement fortes, amorcer une réelle mixité sociale restera utopique tant l’image de ces quartiers est dégradée, notamment en terme de sécurité.

L’échec de la politique de la ville, commence avec la dégradation du parc locatif social, relégué, le plus souvent, à la périphérie des villes.  Construit dans les années 60, l’Etat, les bailleurs sociaux n’ont pas investi comme nécessaire dans l’entretien de ces grands immeubles et de leur environnement. Au fur et à mesure, les familles les plus aisées ont déserté ces logements, les jeunes qui ont réussi quittent le quartier, remplacés par de plus en plus de personnes en situation de précarité et dont le choix de résidence est limité.

Les établissements scolaires voient chuter les résultats scolaires, inférieurs à ceux de leur académie de rattachement, malgré des équipes éducatives impliquées. Les familles les mieux pourvues se dirigent vers d’autres établissements et renforcent le  privé.  

Fort est de constater qu’à l’éducation nationale les moyens manquent aussi. Les dispositifs périscolaires et d’accompagnement éducatif restent le plus souvent sans efficacité : insuffisance de la prise en charge des enfants ne parlant pas le français, aide aux devoirs sur volontariat des familles donc aléatoire, éducation culturelle limitée. Pour l’Etat, manifestement, le sport prime sur la culture. Le Premier Ministre promet d’injecter 106 millions d’euros pour les équipements sportifs et les associations socio-sportives, 40 millions d’euros pour le financement de 2500 postes pour le développement des activités  sportives, La culture reste le parent pauvre. Nos gouvernants ont-ils vraiment envie de favoriser l’évolution culturelle de cette jeunesse ?

Le Premier ministre a annoncé, en mars dernier, la création de 200 cités éducatives d’ici 2022 avec une ambition d’excellence pour chacun des élèves de ces quartiers en grande difficulté. Une ambition d’excellence, encore des mots ! Soyons modestes, créons déjà dans ces quartiers, un environnement favorable aux études et donnons à chacun les moyens de réussir au mieux.

Au niveau de l’emploi, les dispositifs de développement économique tels les « zones franches » se sont  révélés inefficaces. Enferrés dans leur image d’insécurité,  ces quartiers n’ont pas réussi à attirer de nouvelles activités créatrices d’emplois.  Il faut dire que la désertion des services publics sur ces « zones », n’a pas incité les entreprises à s’implanter, ni le départ des services et commerces de proximité. Les difficultés de mobilité, malgré les efforts du Sytral et de la Métropole, les lenteurs administratives, la fracture numérique ajoutent encore des difficultés à une recherche d’emploi sérieuse.  L’appât du gain auprès d’une jeunesse démunie et les multiples sollicitations dont ils font l’objet, ont contribué au développement des activités illicites dont le trafic de drogues avec toutes les conséquences qui en découlent. Sur certains quartiers particulièrement gangrénés, l’Etat a  développé depuis 2018, le dispositif quartier de reconquête républicaine (QRR), avec pour objectif la lutte contre la délinquance et les trafics de drogues en déployant progressivement des moyens de police supplémentaires dans les lieux ciblés. 62 quartiers au niveau national sont actuellement inscrits dans ce dispositif. Mais,  ce ne sont ni les 180 policiers, ni les 300 éducateurs spécialisés et les 300 médiateurs supplémentaires qui vont réussir à juguler un trafic bien organisé et pouvoir assurer une prévention de la délinquance digne de ce nom et efficace.

EN CONCLUSION

Le rapport de la cour des comptes conclut à une très faible évolution de l’attractivité des quartiers en politique de la ville malgré un important engagement de l’Etat et des collectivités territoriales depuis 40 années. Si la rénovation urbaine est un facteur d’amélioration de l’attractivité́ des quartiers. mais non suffisante, et la nécessaire mobilisation conjointe de l’ensemble des leviers de la politique de la ville et des politiques de droit commun.

Une simple analyse montre le manque d’anticipation des responsables politiques dans la prise en compte des problèmes qui pointaient et qui sont restés sans réponse. Au fur et à mesure de la dégradation du parc social, les populations les plus aisées ont fait place à des habitants de plus en plus pauvres, parfois en grande précarité.

Lors du comité interministériel à la ville de mars 2021, le Premier Ministre a annoncé débloquer 3,3 milliards pour ces quartiers dont 2 milliards d’euros consacrés au renouvellement urbain, laissant peu de moyens pour la mise en place de mesures d’accompagnement à la hauteur des enjeux. Certains QPV sont maintenant tellement stigmatisés qu’il ne faudrait pas lésiner sur les moyens pour les sortir de cette spirale infernale qui conduit, irrémédiablement à l’exclusion et à la création de véritables ghettos.

L’approche des quartiers en politique de la ville nécessite une prise en charge spécifique et transverse de chacun d’entre eux.

Dans un premier temps, il faudrait se pencher sur le manque de ressources de ces familles. La mise en place d’un revenu universel, expérimenté dans quelques régions de France pourrait améliorer le quotidien de ces habitants dépourvus de moyens.

Dans son rapport, la Cour des Comptes préconise 4 orientations :

  • « rendre plus effective la décentralisation de la politique de la ville en permettant une différenciation accrue autour de « projets de quartiers »
  • préciser le sens et la portée des objectifs de mixité sociale et fonctionnelle des quartiers et les arrimer à une stratégie pluriannuelle explicite en matière d’évolution du parc social, d’attribution des logements et d’affectation des locaux d’activité
  • dans le cadre des projets de quartiers, mieux articuler le renouvellement urbain avec l’accompagnement social, éducatif, économique des habitants
  • renforcer l’articulation des actions financées par les crédits de la politique de ville avec les politiques publiques générales pour répondre davantage aux besoins spécifiques des QPV et de leurs habitants ».

A Craponne, les élu.e.s de notre groupe ont attiré depuis plusieurs mandats l’attention de la majorité sur les actes d’incivilités et de petite délinquance qui se multiplient sur notre commune. Ces faits répréhensibles impliquent des auteurs de plus en plus jeunes, laissant craindre des risques de dérives plus graves, telles les activités illicites dont le trafic de drogue auquel notre commune, bien que peu touchée, n’échappe pas. Qu’attend la majorité pour mettre en place une véritable politique de prévention de la délinquance avec le recrutement d’éducateurs spécialisés en capacité de prendre en charge, avant qu’il ne soit trop tard, les jeunes qui risquent de basculer? Gouverner, n’est-ce pas prévoir le meilleur pour éviter le pire ?

Pour en savoir plus :

Rapport de la Cour des Comptes : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/levaluation-de-lattractivite-des-quartiers-prioritaires

Comités interministériel à la ville : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2021/01/dossier_de_presse_-_comite_interministeriel_a_la_ville_-_29.01.2021.pdf

Françoise PELORCE

 

 

 

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